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"J'ai fait un voyage" / Niger, 2023
​​​​​​​J'ai souhaité proposer une réflexion photographique réalisée au Niger, en janvier 2023, à la fois, quête personnelle de racines et de territoire et quête artistique, en tant qu’engagement expressif. 
Je suis née au Niger, ce pays maternel dont je n’ai eu aucun souvenir : je suis arrivée en France, bébé, pour grandir à Chartres. Mon grand-père, qui était le chef de Tagara, ce village qu’il a « créé » au Niger, était receveur des PTT et échangeait avec la France, certainement grâce à cela que ma mère a façonné son désir de vivre en France.
La photographie, médium choisi pour ce travail, me permet de rendre compte de paysages, de personnes, de situations, en gardant ma position d’observatrice, ne prenant pas part à l’activité, pour mieux analyser. Du genre art documentaire, je me suis concentrée à construire une narration non linéaire autour d’un territoire ancestral et du quotidien d’un espace de l’Afrique de l’ouest, entre l’énergie de Niamey, la capitale, et le village Tagara, déconstruit, dépeuplé, sans électricité et sans eau.
L’acte d’observation, de compréhension et d’interprétation va au-delà de la capture mécanique d’un moment : j’ai cherché à révéler des réalités profondes et à provoquer des réflexions sur « l’endroit d’où l’on vient », sur le territoire que l’on occupe par choix ou non. Ce voyage et l’acte photographique me permettent de me confronter et de raconter une histoire dont j’ai été soustraite. Malgré la distance géographique abolie lors de mon voyage, demeurait cependant une distance intérieure cultivée par la langue, les us et coutumes et mon profil « d’occidental ». Les prises de vue photographiques tentaient de créer des liens au-delà de cette distance de ce qui m’interpelait dans les scènes du quotidien. Regarder hors de soi, regarder les nigériens, m’a permis de raconter et de réfléchir à une histoire dont j’ai été soustraite en partant e France, sans nostalgie aucune.
Ce voyage était aussi peuplé de nombreuses questions. L’une d’elle se pose toujours depuis : « qui serai-je aujourd’hui si j’étais restée au Niger ? ».
Mon intention est de traduire cette complexité de déplacement, d’appartenance et de découverte du quotidien d’une partie de ma famille. C’est un travail sur le long terme, qui débute symboliquement par le Niger, où le choix de la photographie en couleurs s’imposait afin de témoigner de la vivacité d’une vie, certes difficile, et des paysages arides.
J’ai choisi d’adopter un point de vue, frontal, pour garder cette position d’observatrice, ne voulant et ne pouvant pas se mêler à la vie quotidienne, et restant en retrait même des paysages. Seuls les portraits ont été réalisés de manière plus intime, plus proche, la barrière du langage et de la photographie, qui reste une affaire sérieuse en Afrique.
On entend peu parler du Niger que l’on confond souvent avec le Nigeria. Pays sub-saharien extrêmement pauvre, subissant les nombreux et fréquents rebondissements politiques. Cinq mois après mon séjour, un coup d’état intervient, puis se succèdent des événements importants comme le renvoi et rappel des ressortissants français ou même le retrait des troupes américaines et françaises luttant contre les djihadistes dans le Sahel…
Le 14 septembre 2023, la France interdit à tous les lieux culturels bénéficiant de subventions du gouvernement français de coopérer avec les artistes nigériens entre autres.​​​​​​​
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